L’évaluation des parts de SCI : Principes d’évaluation et spécificités
Conférence ouverte Barreau de Paris du 12/10/2021 animée par Muriel Vigié, avocate, ancienne élève de l’Ecole nationale des impôts.
Rappels : mêmes principes et exigences qu’en matière immobilière :
- Article 666 du C.G.I.
- Article L17 du L.P.F.
- Commission de conciliation
- TJ avec nomination d’un expert
Plan :
- Principes généraux
- Méthodes d’évaluation
- Spécificités : DMTO et surtout IFI
- Les principes généraux :
L’évaluation des parts de SCI répond aux mêmes règles que celle des titres non cotés.
- La valeur d’une SCI ne correspond pas à celle du ou des immeubles qu’elle détient ; une part de SCI est un titre non coté.
- La notion de valeur d’un titre non coté n’est pas définie par la loi mais par la jurisprudence.
- La valeur vénale des TNC doit être appréciée en tenant compte de tous les éléments permettant d’obtenir un chiffre aussi proche que possible de celui qu’aurait entraîné le jeu normal de l’offre et de la demande.
Jurisprudence constante :
- Arrêt Obadia 28 janvier 1992, n° 90-11459 ;
- Arrêt Bracoud, 21 mai 1996, n° 94-20517 ;
- Arrêt Gilles 16 décembre 1997, n° 95-20712 ;
- Consorts Sailley 23 novembre 2010 n° 1177 F-D 09-17.295.
- La valeur vénale des titres est déterminée par comparaison avec des cessions similaires lorsqu’il en existe ( com. du 7 juillet 2009, n° 08-14855, Zorn).
- En présence d’une transaction comparable sur les mêmes titres, il n’y a pas lieu de recourir à d’autres méthodes d’évaluation.
Sauf : omission et taxation d’office (notion de valeur apparente : Cass. com. 14 décembre 1999, 97-17.308, Abella et Cass. com. 11 mars 2003, n°00-19154, Société Jurispharma)
A retenir : l’Administration Fiscale doit impérativement préciser l’absence de cession de titres similaires intervenue sur une période proche de l’acte afin de justifier le choix de la méthode retenue dans le cas où celle par comparaison aura été écartée.
- Les méthodes d’évaluation :
II.A/ Les SCI d’Attribution
- Les parts sociales donnent droit aux associés à l’attribution en toute propriété ou en jouissance d’une fraction d’immeubles construits ou acquis par la société.
- Dénommées sociétés immobilières de copropriété, elles n’ont pas de personnalité morale et sont sous le régime de la transparence fiscale.
- La valeur des parts correspond à celle des immeubles auxquels elles donnent droit.
- L’évaluation consiste donc dans la valorisation des biens immobiliers.
II.B/ Les SCI de construction vente
- Les SCI de constructions ventes ont pour objet de construire des immeubles en vue de la vente.
- Malgré leur forme civile, leur objet est commercial et les parts de ces sociétés sont évaluées comme des parts de sociétés commerciales.
II C/ Les SCI de gestion ou de location
- Elles ont pour objet l’achat ou la construction d’immeubles pour la location à des tiers ou à des associés ou la mise à disposition des associés.
- Les parts doivent en principe être valorisées comme les autres titres non cotés en fonction de tous les éléments dont l’ensemble permet d’obtenir un chiffre aussi proche que possible de celui qu’aurait entraîné le jeu normal de l’offre et de la demande.
- Par conséquent, les méthodes et pondérations doivent être retenues en fonction des caractéristiques propres à chaque société et après avoir, lors du diagnostic préalable, déterminé si l’activité de la société engendrait des résultats qui pouvaient avoir une influence sur la valeur des titres.
II C1/ Les SCI de gestion qui ne perçoivent pas de revenus
Très souvent les sociétés de gestion ne disposent pas de revenus :
- Soit parce que les biens détenus ne sont pas donnés en location car ils constituent la résidence principale ou secondaire des associés ;
- Soit parce qu’elles ne détiennent que la nue-propriété des immeubles.
Dans une telle situation seule la valeur mathématique ou patrimoniale peut être déterminée. (Arrêt Montrichard, Cass. com. 1er février 1982, n° 79-1755)
La valeur mathématique est le plus souvent une composante essentielle, voire unique, de la valorisation d’une SCI.
Elle résulte de la valeur actualisée des éléments d’actif :
- La valeur vénale réelle des immeubles, obtenue à partir des méthodes traditionnelles d’évaluation immobilière (méthode par comparaison préconisée sauf cas particuliers) ;
- La valeur d’autres biens, par exemple les participations dans d’autres SCI ;
- Les liquidités et créances.
La somme des valeurs vénales réelles ainsi obtenue est diminuée de la somme des éléments du passif réel (dettes bancaires, comptes courants d’associés) et des provisions.
Précisions :
- Il s’agit des dettes arrivées à échéance, non réglées et exigibles immédiatement, certaines (non contesociétées dans leur principe, leur montant ou leur mode de paiement) et liquides.
- Le passif est parfois pris en compte posociétérieurement à la proposition de rectification.
- Les comptes courants d’associés sont portés directement à l’actif successoral ou dans la déclaration d’I.S.F.
Attention : voir + loin les spécificités de l’IFI pour les comptes courants.
- Le bénéfice net réalisé dans l’année en cours n’est pas une dette envers les associés, car au jour de la clôture du bilan, le résultat de l’année n’a pas encore été appréhendé par les associés (il peut être distribué, mis en réserve…).
Rappel :
Valeur mathématique (actif net revalorisé) = actif brut revalorisé (immeubles, participations, liquidités…) – passif.
Si la valeur mathématique est seule retenue :
Abattement pour non -liquidité (montant à titre indicatif : 10 %) destiné à prendre en compte l’absence de liquidité des biens immobiliers détenus au travers d’une SCI.
Par ailleurs, lorsque le paquet de titres à valoriser est minoritaire, une décote pour minorité devra être appliquée sur la valeur des parts.
Précisions : ISF/IFI et SCI
Un abattement de 30 % (à compter de l’I.S.F. 2008) est effectué sur la valeur vénale réelle de l’immeuble lorsque celui-ci est occupé à titre de résidence principale par son propriétaire (article 885 S du CGI).
Sont concernées : les parts de sociétés mentionnées à l’article 1655 ter du CGI, dont les associés sont réputés être directement propriétaires des logements correspondant à leurs droits (SCI d’attribution).
En revanche sont exclus, les titres de sociétés civiles de gestion ou d’investissement immobilier, alors même que l’immeuble détenu par le redevable constituerait sa résidence principale. (BOI-PAT-ISF 30-50-10 n° 120 et BOI-PAT-IFI-20-30-20 n°50)
II C2/ Les SCI de gestion qui perçoivent des revenus
La recherche des valeurs :
- La valeur patrimoniale (la valeur actualisée des actifs diminuée du passif exigible).
En priorité, méthode par comparaison (à défaut, constater que le recours à cette méthode est impossible).
Éventuellement associée à la méthode de capitalisation des loyers bruts. Le taux de rendement utilisé doit être justifié par l’administration, mais aussi par l’expert ou le contribuable qui s’en prévaut.
La valeur résultant de cette approche patrimoniale doit en principe être combinée avec d’autres méthodes afin d’obtenir une évaluation aussi proche que possible de celle qu’aurait entraîné le jeu de l’offre et de la demande sur un marché réel (arrêt Delloye du 7 décembre 1993, n°91-21 795).
- Autres valeurs : l’approche par la productivité consiste à capitaliser un bénéfice, supposé reproductible.
La valeur de productivité résulte de la capitalisation des revenus nets selon le taux de productivité.
Le taux de productivité correspond au taux de base, taux de rendement à l’émission des obligations garanties par l’état, diminué du taux d’inflation et majoré éventuellement d’une prime de risque.
VP = bénéfice moyen après impôt / taux de capitalisation
Tx de capitalisation = (Bêta x Pr de risque) + tx de base
Exemple :
Taux de base déflaté 2012 : 1,28%
Prime de risque historique : 5 %
Bêta (risque propre à l’activité de la SCI) : fourchette de 0,3 à 0,5 pour un risque faible
Taux de productivité : (5 x 0,5) + 1,28 % = 3,78 %
Si revenus 30 000 € -> 30 000/3,78×100 = 793 650 €.
Précisions :
- Le risque de la gestion immobilière est faible.
- Pour les SCI non soumises à l’I.S., la déduction d’un impôt fictif au taux de l’I.S.- permet d’assurer la neutralité de l’évaluation entre les sociétés soumises à l’I.S. et celles qui ne le sont pas.
- Pour les SCI soumises à l’I.S. et qui distribuent des dividendes, la valeur de rendement peut être utilisée.
VR = dividende moyen distribué / 3 % (taux de base moyen de rendement des actions cotées)
Attention : décote de 30% pour tenir compte de liquidité réduite des titres de la société non cotée par rapport à celle des actions cotées.
La pondération des méthodes :
Les valeurs doivent être combinées pour aboutir à la valeur intrinsèque du paquet de titres (majoritaire ou non) à évaluer.
La pondération de différentes valeurs exclut en règle générale l’application d’une décote finale.
- Pour des titres majoritaires : privilégier la valeur patrimoniale.
Exemple : (4 VM + 1 VP) / 5
- Pour des titres minoritaires : privilégier la VP ou le rendement.
Exemple : (2 VM +1 VP (ou VR))/3 ou [2VM+ (1VP+ 1VR)/2]/3
Les pondérations utilisées doivent prendre en compte la nature de la société et le pourcentage de titres à valoriser.
Cas particulier : les SCI qui bien que disposant de revenus ne réalisent que de faibles bénéfices ou sont déficitaires :
- L’analyse des déclarations fiscales et des éléments comptables fournis doivent permettre de comprendre les raisons d’une telle situation (certains biens sont mis gratuitement à la disposition des associés, d’importants travaux sont réalisés, des rémunérations importantes sont versées, etc.), et de déterminer si l’absence de bénéfice affecte véritablement et de manière durable la valeur de la société.
- Selon les conclusions de l’évaluateur, la valeur de productivité sera ou non prise en compte dans la pondération.
Point sur les décotes :
- Une décote “générale” pour non-liquidité :
- Cette décote trouve son explication dans le fait que l’investisseur est prêt à rémunérer la liquidité. Les biens qui ne sont pas liquides (hors contraintes juridiques liées aux statuts) au jour de l’évaluation ont une valeur moindre.
- Cet abattement s’impose lorsque la société est évaluée en fonction de la seule approche de l’actif net réévalué (valeur mathématique).
- Si utilisation d’autres méthodes, l’application d’un abattement pour non-liquidité ne se justifie pas.
- La décote de minorité :
Elle peut être pratiquée pour tous les titres minoritaires quand seule la valeur mathématique a été déterminée ou lorsque la pondération retenue n’a pas déjà permis de faire ressortir leur caractère minoritaire.
Exemples :
– Cass. com. 6 mai 2003 n° 748 F-D, Dupouy (15% au titre d’associé minoritaire)
– Cass. com. 23 novembre 2010 n°09-17.295, Sailley (décote de 20%).
- Une décote liée aux contraintes juridiques ou contractuelles :
- La décote pour clause d’agrément s’impose pour les parts sociales qui ont par nature une liberté de cession limitée.
– Nécessité de vérification des statuts qui peuvent prévoir des clauses moins restrictives (pour les SCI les parts sont généralement soumises à agrément).
– N’affecte en général que les titres minoritaires. Voir C.A. Rouen, 3 novembre 2010 n°09-4743.
Précisions : l’existence de pactes d’actionnaires ne justifie pas d’abattement supplémentaire.
- La décote pour occupation : applicable entre 10 et 20% selon la nature du bail (bail L1948 : décote de 40 à 50 %). Pas de décote pour régimes spéciaux d’investissements locatifs.
- La décote pour indivision : un taux de 20 % est souvent pris en compte.
- Des décotes refusées par l’administration :
- Décote pour fiscalité latente
- Décote pour indisponibilité du bien
- Décote pour Pacte Dutreuil
- Cumul de décotes :
Pour l’évaluation directe des immeubles, la Cour de cassation admet le cumul des décotes, par exemple en cas d’occupation et d’indivision du bien (Cass. com. 16-2-2016 n° 14-23.301).
Pour l’évaluation des parts de SCI, il arrive souvent que les juges englobent sous un même taux, la décote pour illiquidité et la décote pour minorité.
III/ Les spécificités de l’IFI
Article 973 du CGI : valeur vénale des parts
3 étapes :
- Déterminer la fraction de la valeur représentative des actifs imposables
- Recenser les dettes de la société qui doivent être neutralisées
Cas particulier des comptes courants d’associés non déductibles. (Voir BOI-PAT-IFI 20-30-30 §210 version 2/05/2019)
- Evaluer la valeur réelle des parts ou action en tenant compte, le cas échéant, du retraitement du passif non déductible.
A noter : pour les valeurs mobilières cotées : base légale d’évaluation (art 973 du CGI) :
- Soit le dernier cours connu au jour du fait générateur de l’impôt,
- Soit moyenne des 30 derniers cours qui précèdent la date d’imposition.
La jurisprudence n’avait admis aucune dérogation à cette règle en matière d’ISF.
Pour l’IFI, la doctrine administrative considère que ces deux méthodes n’ont pas un caractère supplétif et qu’elles ne souffrent donc d’aucune dérogation.
1/ Détermination de la fraction immobilière imposable :
- Cas d’une détention directe des titres d’une seule société :
=
Valeur vénale totale des différents biens et droits immobiliers imposables détenus directement par la société (au 1er/01/N)
———————————————————————————————————-
Valeur vénale de l’ensemble de l’actif brut de la société (au 1er/01/N)
Ce coefficient immobilier est ensuite appliqué à la valeur vénale des parts ou actions détenues par le redevable.
Attention :
- La valeur vénale est elle-même fixée conformément à l’art. 973 du CGI, en tenant compte, le cas échéant, de la réintégration du montant des dettes non déductibles.
- Obligation par la société de communiquer son « coefficient immobilier ».
- En présence d’associés non-résidents, la société doit établir un 2nd coefficient ne tenant compte que des seuls immeubles ou droits immobiliers, détenus directement ou indirectement, situés en France.
- Le passif social peut être entièrement retenu dans l’évaluation des parts ou actions, sans tenir compte Du fait qu’il soit affecté aux actifs imposables ou au financement de biens hors champ de l’IFI, mais en prenant en compte seulement le prorata de la valeur des actifs imposables.
- Cas d’une détention via un groupe de sociétés :
=
Valeur vénale réelle des biens et droits immobiliers imposables détenus par la société dont le redevable ou l’un des membres du FF détient directement une participation
+
Fraction de la valeur des parts ou actions détenues par la société représentative de biens ou droits immobiliers imposables détenus indirectement par la société
———————————————————————————————————
Valeur vénale de l’actif brut total de la société dont le redevable détient directement
des parts
- Identifier la société détenant des biens ou droits immobiliers imposables dont le niveau de la chaîne de participation est le plus bas : application du coefficient immobilier à la valeur des titres détenus par la société de niveau supérieur dans la chaîne de participation.
- Le résultat est alors ajouté à la valeur des biens et droits immobiliers imposables détenus directement par cette société pour le calcul du montant de la valeur imposable des parts ou actions de cette société intervenant dans la chaîne de participation.
- Cette procédure est reproduite à chaque niveau d’interposition jusqu’à la société dont le redevable détient directement des parts ou actions.
- Pour des exemples de calcul, voir BOI-PAT-IFI-20-20-20-10.
2/ Neutralisation de certains passifs : clauses anti-abus Art. 973 II CGI
- Neutralisation des dettes sociales ayant financé une « vente à soi-même », pour l’intégralité de la dette quel que soit le niveau de participation : 973 II 1°
- Dette contractée par une sté auprès d’un membre de son foyer fiscal, de son groupe familial ou d’une sté contrôlée par ses personnes pour l’acquisition d’un actif imposable ou pour des dépenses afférentes à cet actif, à proportion de la participation (mais cas de rétablissement possible de la déductibilité) : art. 973 II 2° et 3°
- Dette contractée auprès d’une société ou d’un organisme contrôlé, directement ou par l’intermédiaire d’une ou de plusieurs sociétés ou organismes interposés, par l’une des personnes du foyer fiscal IFI, seule ou conjointement avec les autres membres de ce foyer, leurs ascendants ou descendants ou leurs frères et sœurs, pour l’acquisition d’un actif imposable ou pour les dépenses afférentes, à proportion de la participation : art. 973 II 4°
Ces clauses anti-abus visent toutes les dettes quelle que soit leur forme : financement par emprunt bancaire, constitution d’un compte courant d’associé, etc (BOI-PAT-IFI-20-30-30, 2 mai 2019, § 30).
Voir un exemple chiffré dans BOI-PAT-IFI-20-30-30 § 210 (version du 02/05/2019).
A NOTER : pour les 2°, 3° et 4°, l’exclusion de déductibilité n’est pas totale. Les dettes ne sont exclues qu’à proportion de la participation détenue.
- Règles dérogatoires de valorisation : prêt in fine Art. 973 III CGI
Exceptions à la non-déductibilité des dettes :
- Absence d’objectif principalement fiscal du prêt : concerne les 1°, 2° et 4° du II de l’art. 973
Les dettes restent prises en considération pour l’évaluation des parts ou actions si le redevable justifie que le prêt n’a pas été contracté dans un objectif principalement fiscal (art. 973, II, avant dernier al).
- Eléments justifiants du caractère normal des conditions du prêt : art. 973 II 3°
Les dettes restent prises en considération pour l’évaluation des parts ou actions si le redevable justifie du caractère normal des conditions du prêt, notamment du respect du terme des échéances, du montant et du caractère effectif des remboursements (art. 973, II, der. al.).
L’Administration précise que le caractère normal du prêt s’apprécie notamment au regard des pratiques bancaires usuelles dans le domaine concerné (BOI-PAT-IFI-20-30-30, 2 mai 2019, § 270).